de la dualité

Publié le par Caco

"Enfin, nous avons pris l'habitude sécurisante de tout formuler en noir et blanc, en positif ou négatif. Une porte doit être ouverte ou fermée, c'est juste ou ce n'est pas juste, on a tort ou raison, ça se fait ou ça ne se fait pas (...). Avec des variantes subtiles : on est intellectuel ou manuel, mathématicien ou artiste, père de famille responsable ou individu fantaisiste, voyageur ou casanier (...). C'est le piège de la dualité, le système binaire.

Comme si nous ne pouvions pas être à la fois un intellectuel brillant et un manuel efficace, un mathématicien rigoureux et un artiste fantasque, un être responsable et plein de fantaisie, un poète délicat et un ingénieur sérieux. Comme si nous ne pouvions pas nous aimer au-delà de la dualité sexuelle, être très classique dans certains domaines et très innovateur dans d'autres.

Comme si la réalité n'était pas toujours infiniment plus riche et colorée que nos pauvres petites catégories, que ces pauvres petits tiroirs dans lesquels nous essayons de la coincer parce que sa mouvance, sa diversité et sa vitalité chatoyante nous déconcertent et nosu font peur, et que nous préférons, pour nous rassurer, tout enfermer dans des potiquets d'apothicaire bien étiquetés sur l'étagère de notre intellect !

Nous pratiquons cette logique d'exclusion et de division basée sur "ou" ou sur "soit". Nous jouons à "qui a tort, qui a raison ?", jeu tragique qui stigmatise tout ce qui nous divise plutôt que de valoriser tout ce qui nous rassemble. Nous verrons plus loin combien nous nous laissons piéger par ce système binaire et quelle violence il exerce sur nous-mêmes et sur les autres. L'exemple le plus récurrent est celui-ci : soit nous prenons soin des autres, soit nous prenons soin de nous-mêmes, avec la conséquence que soit nous nous coupons de nous-mêmes, soit nous nous coupons des autres. Comme si nous ne pouvions pas à la fois prendre soin des autres et prendre soin de nous-même, être proches des autres sans cesser d'être proche de nous-même."

Thomas d'Ansembourg, Cessez d'être gentil, soyez vrai ! - Les Editions de l'Homme, 2001

~

Etrange petit livre, qui se laisse lire tranquillement la plupart du temps mais qui, toutes les 30 pages, m'assène une claque monumentale de vérité.

Parce que je connais bien ce comportement (le plus souvent inconscient) que l'auteur brosse (surtout le dernier paragraphe - j'échappe à la catégorisation systématique des autres, même si j'en pâtis régulièrement moi-même).

Ainsi, je ne sais écouter et me confier, par exemple. Mes échanges sont tronqués, je le sais depuis longtemps. Aussi j'affectionne particulièrement les échanges épistolaires, qui permettent la lecture puis le ressenti en deux phases distinctes (d'abord j'écoute l'autre, ensuite j'entends comment cela résonne en moi). Je suis plus "moi" quand je formule une réponse écrite.

Avec mon homme, ma famille proche et quelques rares amis, l'échange se fait plus fluide et nos conversations vraiment riches d'émotions partagées.

Quant au "qui a tort, qui a raison", ce petit jeu m'aura autant blessée qu'il aura agressé l'autre. Je me demande si cette position binaire est un travers de nos sociétés, ou bien une vision brutes des choses que l'on est obligé d'adopter en premier lieu, avant de l'affiner par la suite. Au début de la conceptualisation, il est sûrement plus aisé de jongler avec deux états, qui plus est contradictoires, qu'entre 50 qui se complètent les uns les autres... Je vois bien que Mamzelle "classe" les attitudes, gestes et paroles par des péremptoires "c'est gentil" et "c'est pas gentil".

On lui explique, bien sûr. Mais... nous-mêmes, avons-nous vraiment compris ? ;)

Publié dans lectures

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M
Le titre m'interpelle ! Je prends la référence.
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E
un livre à lire, si je comprends bien... je l'ai aperçu ce midi à la Fnac mais je m'en suis éloignée...
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A
Meme avis que Magali , il faut du temps , de la maturité pour apprendre l'acceptation et la différence , et  les multitudes de petites nuances qui vont faire que des gens ont des opinions ou volontés différentes , tout en poursuivant le meme but . C'est aussi notre charge de parent d'élever, dans le plein sens du terme, nos petits à suffisamment de recul pour ne pas juger , et ne plus être binaires . Pas tous les jours facile ....
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C
Merci de ton témoignage Alisabel :)<br /> On y arrivera va, au moins un peu, et ils finiront le boulot, probablement ;)<br /> Bises
M
Ah lala ces petits tiroirs qui réduisent l'homme. Je suis toujours vigilente à ces petites cases soigneusement écrite à la plume du bien pensant...<br /> J'ai pu bien comprendre le jour où l'on m'a dit "tu peux juger les actes d'un homme mais pas l'homme lui même". A ce moment là toutes les petites cases se sont envolées, elles n'avaient plus lieu d'être !<br /> Je pense qu'on y arrive en grandissant. C'est peut-être une étape que de voir la vie en binaire, pour déjà se faire une idée du noir du blanc, des contrastes, des choix. Ceci fait après on peut aller s'aventurer dans les nuances de gris et les arc en ciel...<br /> Merci pour ton blog que je découvre à l'instant i! I me fait l'effet d'un bon bain moussant au coeur d'une journée chargée ! ^^ Bises.
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C
Merci à toi !<br /> Sois la bienvenue et... prélasse-toi ici autant qu'il te plaira ;)<br /> Poton