chapitre 1
Ça y est enfin. Cela fait des semaines que je pense à ce moment. Comme le dit le dicton coréen, « le meilleur moment quand on fait l'amour, c'est quand on monte les escaliers ». Un bordel monstre règne dans et sur mon bureau. Rien à battre. Autre chose à régler, et d'urgence. Allumer l'ordi, vite vite. Le système d'exploitation fait son travail, pendant que je tape du pied. Mon coeur fait des bonds alors que s'affiche le fond d'écran du bureau. Se loguer, taper l'armada de mots de passe protégeant mon accès. Je l'ai bétonné, lui. Il ne faudrait pas qu'on sache, qu'on voie. Personne ne doit pouvoir pénétrer l'antre de mes dossiers. Un seul regard indiscret gâcherait toutes ces semaines de maturation. Je n'aurais alors plus qu'à rentrer chez moi, penaud, jeter tous les brouillons de scénarios, les fiches des personnages, les schémas de l'intrigue. Même la chute, qui m'est apparue presque d'emblée, et pour laquelle je sais qu'il n'y aura pas une virgule à changer. Quand j'ai été presque prêt, je me suis demandé où allait s'engager le processus d'écriture proprement dit. Pas dans l'appartement, les personnages y sont déjà trop familier, ils prennent trop de place et je ne pourrai pas respirer. Pas à la bibliothèque, à cause des regards au-dessus de mon épaule. Il y a toujours quelqu'un pour ne pas pouvoir s'en empêcher. En désespoir de cause j'ai pensé à l'endroit le plus insolite qui soit, mon lieu de travail. Là, je pourrai caser mon histoire, la délimiter de mes horaires, maîtriser son rythme à celui des arrivées des autres employés. Je serai là plus tôt tous les matins, il faudra juste faire en sorte que personne ne se doute de rien. Si un collègue matinal me demande ce que je fais là, je répondrais que je viens juste d'arriver, ou que je prépare mes vacances, ou encore que j'avance sur un dossier épineux. Je préparerai dans la voiture mon prétexte vaseux. Ils n'auront jamais idée de ce qui va pousser sur le document Word que je m'apprête à ouvrir. Des gens qui vivent, dorment, s'émeuvent et s'abrutissent, qui râlent mais participent, se tuent à leur vie en laissant s'envoler leurs rires. Des lieux, des rencontres, des hasard que l'on maudit ou qui font bien les choses, des fleurs qui poussent et des arbres qui abritent. A bien y réfléchir, je n'aurais pas pu trouver meilleur endroit pour faire germer mon livre, que cette pièce parallélépipède rectangle, sur ce bureau aux angles droits et à la lumière crue, sur cet écran de pixels, dans cette machine logique et binaire. Je suis saisi par l'évidence... j'ai trouvé mon cadre.
Chapitre 1.
Ceci est ma participation au Sablier du printemps (amorce 6) que je viens de découvrir chez Kozlika.
Chapitre 1.
Ceci est ma participation au Sablier du printemps (amorce 6) que je viens de découvrir chez Kozlika.