de la faim /3
Mangez beau et dans un bel environnement
Quand un plat est parfait et bien présenté, pris dans un cadre enchanteur, vous n'avez pas besoin de grosses portions pour vous sentir satisfait. Quelques bouchées suffisent. La qualité nous nourrit de tant de façons... !
Bien vivre signifie trouver un sens à chacun des moments de sa vie. Si vous mangez dans un endroit laid, vous compenserez votre besoin de beauté par un excès de nourriture. Parez-vous pour vos repas : changez de tenue, recoiffez-vous, rafraîchissez-vous. Vous vous sentirez mieux dans votre corps et vous mangerez moins. Essayez aussi de servir les repas les plus esthétiquement possible : pas sur un coin de table dans la cuisine ! Evitez tout ce qui est en plastique ou en papier. Si vous bannissiez ces deux matières de votre table, votre vie n'aurait plus le même aspect. Les Japonais des générations précédentes ne connaissaient que les céramiques faites à la main, le bois et le laqué et c'est, je crois, ce qui les motivait à servir le moindre morceau de navet avec un sens de la beauté inégalable. Depuis la guerre et le développement de l'industrie de masse les enfants grandissent dans le monde du plastique et ne distinguent plus les matérieux nobles des autres. Le plastique ne devrait avoir sa place que dans le réfrigérateur. Des détails futiles, me reprochera-t-on, mais c'est grâce à ces détails que nous pouvons enrichir notre vie au quotidien. Ce sont aussi ces détails qui nous rappellent que vivre est un plaisir. La satiété ne dépend pas de la quantité, mais de la qualité : celle de la nourriture, celle de l'environnement et celle de notre esprit.
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Si vous servez à vos invités quelques asperges, un poisson grillé et du bon pain complet sortant du four, suivi d'un fromage fait à point, ne vous excusez pas de la simplicité de votre repas : nos sociétés ne connaissent plus assez les plaisirs d'une alimentation saine. Nous habillons trop nos aliments parce qu'ils ont justement trop été "déshabillés" et qu'ils n'ont plus leur saveur naturelle.
Dominique Loreau, L'art de la simplicité, éd. Robert Laffont, 2005
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Le choix de cet extrait a été guidé par les points soulevés dans vos commentaires (plaisir de manger, repas rituels sociaux). Selon l'auteur, il n'y a donc pas contradiction mais complémentarité entre frugalité et plaisir.
Je ne vous livrerai pas d'avis-tout-fait, parce que je n'en ai pas, comme la plupart du temps. Et aussi parce que je ne prépare pas de prêt-à-consommer (et si cela arrive, chers invités, je vous sauré gré de me rappeler les bases de la simplicité).
Par contre je vais partager un souvenir avec vous. Il me revient à l'esprit pendant que je restitue ces lignes. J'ai alors 19 ans. A cette époque, je mange compulsivement, je suis même assez proche d'un comportement boulimique. Rien ne me repaît, j'ai toujours un creux à combler. Je le sens dans mon ventre. C'est comme si j'étais tout le temps affamée, sauf que je n'ai pas faim. Pourtant mon corps se tend, à l'affût de toute nourriture...
A cette période je passe du temps en Touraine, chez ma tante bien-aimée. Nous nous découvrons après 13 ans de séparation, et c'est très fort... Un soir elle vient me chercher à la gare, et me propose un repas léger arrivée chez elle. Je me revois dans le fauteuil, près de la cheminée, avec sa toute-petite qui joue sur le tapis. Je suis baignée de leur sérénité de vivre, je m'apaise sous les regards bienveillants d'elle et de son mari, et au bout de trois bouchées, je suis déjà rassasiée...